« Parce qu’on est toujours plus honnête quand on a un café dans une main et une indignation dans l’autre. »
Amazon, par exemple : en 2025, le site n’a toujours pas bougé. Toujours ce vieux tableau Excel dopé aux stéroïdes, sans âme, sans cohérence, sans amélioration notable depuis dix ans — sauf pour te pousser à cliquer là où ils veulent. Et c’est ça qu’on appelle une “expérience client”.
Alors on repose la question : où va l’argent ?
Spoiler : pas dans la livraison gratuite, ni dans le soutien aux librairies, ni dans les impôts. Et sûrement pas dans le design.
🚀 Pendant que Jeff Bezos envoie des stars dans l’espace comme s’il jouait aux Sims, nous, sur Terre, on paye une taxe forfaitaire de frais de port pour faire bosser les librairies locales dans lesquelles on ne va pas. J’en ai compté trois dans une seule rue, à Rennes.
Parlons un peu de cette fameuse taxe sur les frais de livraison des livres en France. Tu sais, celle qui te fait lever les yeux au ciel quand tu vois qu’il faut payer 3 € de plus pour recevoir un roman que t’aurais pu trouver en occasion chez mamie Josette. Officiellement, c’est pour protéger nos chères librairies indépendantes. Officieusement ? C’est un bon vieux bricolage fiscal qui cache mal un problème bien plus vaste.
D’où ça sort, cette taxe ?
Tout commence avec la Loi Lang de 1981, qui impose un prix unique du livre. Les vendeurs, même les mastodontes comme Amazon, doivent vendre les livres au même prix que la librairie de quartier. Jolie idée pour éviter la guerre des prix. Mais là où certains vendaient des livres, d’autres ont vendu… la livraison.
Amazon a trouvé la parade : livraison gratuite, ou presque (souviens-toi du fameux « frais de port à 0,01 € »). Et du coup, même si le livre coûte le même prix, devine qui gagne ? Celui qui te l’apporte dans ta boîte aux lettres en 24h, sans frais.
Pour contrer ça, l’État français a sorti l’artillerie : décret du 27 juillet 2023. Depuis octobre 2023, toute commande de livres de moins de 35 € doit avoir au moins 3 € de frais de livraison. Même pour Amazon. Même pour la FNAC. Et si t’es une petite librairie ? Tu peux adapter tes prix, mais l’idée, c’est de niveler le terrain.
L’équité selon Bercy
Sur le papier, l’intention est noble : protection des petits acteurs, défense de la diversité culturelle, lutte contre l’uniformisation. Mais en vrai ? C’est encore le consommateur qui passe à la caisse. Parce qu’on ne va pas se mentir : dans un monde où tout est livré le lendemain et parfois même le dimanche, payer pour attendre, c’est contre-intuitif.
Et puis, posons la vraie question :
Pourquoi l’État ne taxe-t-il pas directement les géants comme Amazon, au lieu de refiler la patate chaude aux clients ?
Parce que c’est compliqué. Et parce que ces boîtes ont des armées de fiscalistes qui savent naviguer dans les eaux troubles de l’optimisation.
6 % d’impôts en France. Vraiment ?
Oui. En 2021, Amazon a payé environ 6 % d’impôt effectif en France. Pas sur son chiffre d’affaires, non. Sur les maigres bénéfices qu’il a bien voulu déclarer dans l᛬ Hexagone. Le reste ? Rapatrié en Irlande ou au Luxembourg, via des montages parfaitement légaux.
Pendant ce temps, ton pote freelance ou la boulangère du coin, eux, ils se prennent entre 30 et 45 % de charges sur ce qu’ils gagnent vraiment. Et eux, ils n’ont pas d’adresse fiscale à Dublin.
Et ailleurs, on fait quoi ?
Beaucoup de pays ont adopté des taxes numériques — des sortes de « taxes GAFA » — pour essayer de rééquilibrer le jeu. Petit tour du monde des rustines fiscales :
- France : 3 % du CA numérique depuis 2019.
- Espagne, Italie : pareil, 3 %.
- Royaume-Uni : 2 %.
- Autriche : 5 % mais seulement sur la pub.
- Inde : entre 2 % et 6 % selon les services.
Mais soyons honnêtes : c’est symbolique. Et souvent temporaire, en attendant le gros morceau.
L’arme fatale : l’accord OCDE
C’est là que l’affaire devient mondiale. L’OCDE travaille depuis plusieurs années sur une réforme fiscale internationale avec deux piliers majeurs :
- Pilier 1 : imposer les multinationales là où elles génèrent vraiment de la valeur (même sans siège local).
- Pilier 2 : créer un taux d’imposition minimum mondial de 15 % pour les entreprises avec plus de 750 M€ de chiffre d’affaires.
L’objectif ? Empêcher les grosses boîtes de jouer à cache-cache fiscal entre les paradis et les conventions opaques. Plus de 140 pays ont signé, mais l’application reste lente. Certains pays, comme les États-Unis, traînent les pieds. D’autres veulent renégocier. Bref, ce n’est pas pour demain matin.
Alors on fait quoi ?
Ben… on taxe les frais de port.
C’est un peu comme mettre un pansement Hello Kitty sur une jambe cassée. Est-ce que ça aide les petites librairies ? Peut-être. Est-ce que ça empêche Amazon de faire du chiffre ? Pas vraiment. Est-ce que ça embête les gens qui veulent juste lire tranquillement chez eux sans se ruiner ? Clairement.
Et pendant ce temps-là, les freelances, les artisans, les indépendants continuent à porter la fiscalité à bout de bras. Avec leur taux à 30 ou 40 %, leur compta approximative et leur PEL qui attend toujours de grossir.
L’équilibre ? Peut-être. L’équitable ? Pas encore.
Ce n’est pas qu’on veut une fiscalité utopique. Juste un peu de logique. Quand ceux qui déplacent des milliards arrivent à éviter l’impôt et que ceux qui créent de la valeur locale se font rincer, y’a un souci de fond.
Alors non, cette taxe sur la livraison des livres ne réglera pas le problème. Mais elle a au moins le mérite de rappeler qu’on préfère taxer les symptômes plutôt que soigner la maladie.
Et en attendant que les grandes réformes voient le jour, on paiera nos 3 € de livraison, on soutiendra nos libraires du coin, et on continuera à lever les yeux au ciel.
Parce que parfois, c’est tout ce qu’il nous reste.
Tu veux aller plus loin ? Cherche « OCDE fiscal reform », « taxe GAFA », ou « Amazon optimisation fiscale ». Tu verras, c’est passionnant. Et un peu flippant.